Les experts ne peuvent prévoir une pandémie.

Publié le par ryback

Les spécialistes des maladies infectieuses ne s'avouent pas capables de prévoir, aujourd'hui, l'évolution d'une éventuelle pandémie de grippe.

Des filets pour protéger les élevages de volailles contre les migrateurs, des masques pour les professionnels de santé, des stocks d'antiviraux gardés par l'armée dans des lieux secrets, les médecins de ville du réseau de surveillance de la grippe en alerte, des plans de lutte contre la pandémie coordonnés par les préfets, une cellule interministérielle pour gérer la crise à venir. La liste des dispositions officielles prévues par le nouveau plan gouvernemental « Pandémie grippale » est impressionnante.

Face à cette série de mesures administratives destinée avant tout à rassurer les populations, les scientifiques avouent leur impuissance. Il est toujours pratiquement impossible d'anticiper l'évolution d'une épidémie où subsistent tant d'inconnues. « Il est très difficile d'évaluer l'impact de la pandémie. Il reste trop d'incertitudes concernant la virulence et la vitesse de propagation de la souche pandémique et l'efficacité des moyens de protection », reconnaît Didier Houssin, délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire. Faute de mieux, les épidémiologistes doivent donc se contenter d'accumuler des données, de suivre la progression du virus H5N1 et de repérer ses mutations.

Trois paramètres sont sous haute surveillance :
l'évolution des contaminations humaines aux marches de l'Europe (Turquie et Chypre).
le croisement éventuel du virus H5N1 avec la souche actuellement circulante de la grippe saisonnière (officiellement déclarée en France)
l'activité des populations d'oiseaux migrateurs actuellement en hivernage en Afrique. « La prochaine vague de remontée des oiseaux migrateurs au printemps sera très importante. Le plan de protection mis en place en France est ciblé sur les zones humides où ces migrateurs s'arrêtent pour se reposer et se nourrir. Il s'agit d'éviter les contacts entre les oiseaux sauvages et les espèces domestiques », rapporte Monique Eloit, de la Direction générale de l'alimentation (DGAL), en charge de la surveillance animale dans l'Hexagone. « Jusqu'à présent les virus de type aviaire de la famille H5, H7 ou H9 n'étaient pas adaptés à l'homme, car les cellules humaines ne possèdent pas les mêmes récepteurs. La question est de savoir si le H5N1 qui circule depuis 1997 peut s'humaniser », affirme de son côté Jean-François Saluzzo, virologiste chez Sanofi-Aventis et auteur d'un récent ouvrage sur ce thème (1).

La souche H5N1 est très virulente chez certains oiseaux (100 % de mortalité chez les poulets d'élevage), alors que certaines espèces sauvages comme les canards semblent partiellement, voire totalement immunisées.
 
Dans les élevages intensifs, les animaux ont une très forte proximité génétique, résultat d'une sélection rigoureuse réalisée par les éleveurs au nom d'impératifs économiques. Un virus bien adapté à une population homogène peut détruire de très grandes quantités d'animaux en quelques jours. En revanche, le patrimoine génétique des oiseaux sauvages est beaucoup plus diversifié. Cette variété procure un avantage essentiel pour la survie de l'espèce.

Certains oiseaux sauvages touchés par le virus restent ainsi en bonne santé et deviennent des porteurs sains capables de parcourir des milliers de kilomètres. Ils deviennent alors des réservoirs mobiles de virus pouvant contaminer des espèces domestiques par leurs déjections. Cette possibilité est aggravée par la très grande virulence du virus, capable de résister plus d'une semaine sans perdre ses capacités d'infection. « La vaccination des animaux est un leurre car les vaccins disponibles sont de très médiocre qualité », affirme Jean-François Saluzzo. « En toute logique, c'est l'Office international des épizooties (2) qui aurait dû s'occuper de la grippe aviaire, et non pas l'OMS qui a trop médiatisé ce sujet. Si on avait investit assez d'argent pour indemniser les éleveurs de volailles dans les pays pauvres, le problème serait bien différent », indique cet expert auprès de l'OMS.
De son côté, le virus est une machine à produire de la diversité sur un mode aléatoire. Cet avantage lui permet de s'adapter à tous les terrains de conquête. Son génome est composé de 8 segments d'ARN et il ne possède pas de système de réparation comme le génome humain (à base d'ADN). Il est donc très sensible aux mutations ou aux croisements avec une autre souche infectant la même cellule. C'est cette capacité de réassortiment par échange de matériel génétique qui pourrait donner naissance à une nouvelle souche transmissible entre humains. « C'est certain que cela se produira. Chaque année qui passe nous rapproche de l'échéance », estime Jean-François Saluzzo.

Mais le virus n'a pas intérêt à être trop spécialisé ou trop brutal dans ses attaques. Si c'est le cas, il fait rapidement le vide autour de lui et les malades meurent avant d'avoir eu le temps de le transporter vers d'autres organismes à infecter. En règle générale, un virus très contagieux est moyennement virulent.

Les grandes épidémies de grippe rentrent d'ailleurs dans cette catégorie. Le virus responsable de la fameuse épidémie de grippe de 1918-1919 qui a fait au moins 30 millions de morts (en trois vagues successives)  ((Note ryback: A titre d'infos, une vague est estimée à environ 8 à 10 semaines)) a touché plusieurs centaines de millions de personnes. Les spécialistes ont estimé a posteriori que le taux de mortalité de cette souche (de type H1N1) était de l'ordre de 3 %. Mais les chercheurs sont désormais convaincus que ce virus est passé directement des oiseaux à l'homme, sans faire une halte intermédiaire par un autre mammifère (le porc) comme c'est généralement le cas pour atteindre le stade de l'humanisation.

En moins de 10 mois, le virus avait contaminé l'ensemble de la planète à l'exception de l'Australie qui avait pris des mesures strictes de quarantaine. Si cette hypothèse se renouvelle, il y aura évidemment pénurie de tout. « La capacité mondiale de production de vaccins est limitée à 300 millions de doses par an », rapporte Jean-François Saluzzo.
source lesechos.fr
 
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